Morille de feu : comme au cinéma
Dernière mise à jour : 2 juil.
Journal d’expédition de Claire Benoit, Trésors des bois
Vendredi 14 juin
La journée de pluie tant attendue est enfin arrivée. Difficile de savoir quelle quantité il est tombé par rapport aux dernières prévisions de 10 mm mais je croise les doigts pour que cela soit suffisant, verdict dans quelques jours. C’est notre ultime chance, l’expédition prend fin le 19 juin et il n’y a pas d’autre pluie à l’horizon. Dès le début de l’après-midi, le soleil revient rapidement. La rivière a baissé à vue d’œil depuis notre arrivée le 3 juin. Nous pouvons à présent voir des bancs de sable et marcher au bord de l’eau.
Karina et Caroline décident de prendre une marche sur les galets en longeant la rivière. Elles reviennent les mains pleines de blocs d’argile. Au programme : un bain d’argile et un rinçage dans la rivière. Geneviève gagne la palme d’or du plus beau masque, on la croirait venue d’une autre planète ou des X-men (Silver Surfer). Enduites d’argile, nous avons troqué le gris cendré de la suie pour le gris clair de l’argile.
Je profite de cette journée pour faire un peu de « paperasse », donner des nouvelles, planifier le prochain vol en hélico, le ravitaillement, … mine de rien ça prend du temps tout ça.
Pour souper : tortillas maison. En soirée : partie de belote. Un engoulevent est en alimentation autour de l’abri moustiquaire à la tombée de la nuit. Il ne manque pas de nourriture car les mouches noires se comptent par centaines.
Samedi 15 juin
On entend le train et un hélico tôt ce matin, on se croirait dans James Bond même si notre tente est plantée au milieu de nulle part. C’est la dernière journée pour Karina et Caroline. Mireille et Andrée-Anne en ville se chargent du prochain relais qui a lieu cet après-midi. L’hélico sera là vers 15 h.
Nous partons en bateau vers la source d’eau et le secteur témoin. Karina et Caroline ont apprécié leur séjour et sont déçues de partir. Même s’il n’y a pas une morille à l’horizon, elles prennent leur mission à cœur et ne cessent de regarder minutieusement pour trouver la deuxième morille de l’expédition. Rien de rien !
Les pousses de sapin et les fleurs de thé du Labrador récoltées ont remplacé la bière dans la glacière. Elles auront droit à une virée en hélicoptère pour rejoindre le séchoir à Clarke City et compléter leur déshydratation. L’hélico noir et rouge d’Héli boréal est en vue. Le temps d’échanger avec Louis, le pilote, de donner une dernière accolade à Caroline et Karina (je dois avouer que je suis émue à chaque départ), de saluer nos deux nouveaux arrivants, et c’est reparti pour un tour.
Nous faisons visiter les environs à nos compagnons des prochaines jours Lauréanne et Samuel. Ce dernier nous raconte qu’il se serait cru dans Jurassic Park lors du trajet en hélicoptère. La vallée glaciaire qui borde la rivière Moisie est digne d’un film de science-fiction et pourtant c’est bel et bien réel, ici sur la Côte-Nord à Sept-Iles. Entre James bond et Jurassic Park, c’était la thématique « films » aujourd’hui.
Dimanche 16 juin
Déjeuner : galette géante choco-banane-beurre d’arachides-noix, très réconfortant après 13 jours dans le bois. Nous partons ensuite avec nos deux nouvelles recrues pour les initier à la recherche des microsites propices aux morilles. Au fil des groupes qui se succèdent, je m’efforce de transmettre les informations pertinentes, sans trop radoter ou oublier des éléments importants. Nous parcourons le plateau de pin gris en long, en large et en travers en tentant de dénicher une morille, même toute petite. Rien, une fois de plus.
Cependant nous revenons avec une multitude de photos et une bûche de bouleau en souvenir. Cela n’a pas été sans effort de la rapporter mais le contraste de couleur qu’elle offre m’a tapé dans l’œil, le beige du bois sans écorce intact et le noir d’une vieille blessure qui a brûlé. Samuel et Lauréanne mettaient les pieds pour la première fois dans un brûlis. Samuel n’a pas caché son plaisir de découvrir un tel milieu et d’en capturer quelques instants avec un appareil photo argentique.
Après le dîner, nous faisons la récolte de pousses de sapin. C’est la première fois que j’obtiens autant d’aide pour mes récoltes. J’adore transmettre ma passion et je suis très reconnaissance de ce gros coup de main. Grâce à mes amis cueilleurs, je vais pouvoir honorer mes commandes 2024.
Soirée à grignoter des collations salées (et non santé haha) mais ô combien réconfortantes : chips, peanuts et jerky !
Lundi 17 juin
Après le déjeuner, nous décidons de changer de décor en ce début de semaine. Direction la ligne d’Hydro pour cueillir des fleurs de thé du Labrador. Après une randonnée de 1,5 km dans un sentier, nous débouchons sous la ligne d’Hydro-Québec. Il y a des bosquets de thé du Labrador à perte de vue. Chacun y choisit un petit coin pour faire la cueillette. Après des dizaines et des dizaines de petits pompons blancs dans nos sacs de récolte, la chaleur devient accablante et nous entamons le chemin du retour.
Je jette un coup d’œil aux pieds de trois pins gris, fiers représentants de leur espèce à des kilomètres à la ronde. Sans surprise, aucune trace de morille. De retour au camp, je pèse le fruit de notre dur labeur, qui va droit dans le séchoir de brousse. Malgré le vent qui se lève en fin de journée et le ciel qui se couvre, les plus courageux se jettent à l’eau pour éliminer les résidus de sueur et d’huile à mouches accumulés tout au long de la journée. Le ciel est de plus en plus menaçant mais nous n’avons droit qu’à quelques gouttes.
Si l’on se fie à la météo annoncée, les deux prochaines journées seront extrêmement chaudes. Il est donc convenu de partir de bon matin demain pour retourner visiter le plateau de pin gris. La faible densité de ce secteur nous expose quasiment en totalité aux rayons du soleil, les points d’eau sont inexistants et les seules zones d’ombre sont les souches renversées des vieux arbres victimes du chablis. C’est d’ailleurs l’endroit favori de Gadelle pour trouver un peu de fraîcheur au milieu de cette sécheresse.
Le reste de la journée sera dédié au démontage partiel du camp ; le manque de pluie ne nous encourage pas à rester plus longtemps.
À suivre...
Toutes les photos sont de Claire Benoit
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